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Quand la gestion de crise s’invite là où on ne l’attend (vraiment) pas.

5 septembre 2012

Photo de Pauline Marois, prise par Jacques Nadeau-Le Devoir

Par Guylaine Maltais

D’abord, qu’est-ce qu’une crise? On peut l’expliquer ainsi : «Une situation soudaine et exceptionnelle générant une désorganisation du fonctionnement de l’activité et dépassant les capacités en temps et en moyens.» Didier Heiderich & Natalie Maroun, Paris 2012.

Découlant de cette définition, au moins de la première partie, on peut affirmer que le 4 septembre 2012, le Québec a vécue une crise. Maintenant, on doit faire avec et surtout, en retirer des apprentissages.

Récapitulation

Soirée électorale québécoise aux multiples couleurs de changements, dont le plus important étant la victoire de la première femme PM de la Province. Tout à votre honneur madame Marois! Son discours aura cependant été écourté par un attentat et madame la Première ministre aura été rapidement protégée et mise à l’abri par ses gardes du corps, dont on doit être fier de leur vitesse d’intervention exceptionnelle.

Scénario digne d’un film Hollywoodien (qui me rappelle Wytney Houston) mais qui n’aurait sans doute pas été retenu pour l’élaboration d’un exercice d’urgence à l’OSCQ (Organisation de sécurité civile du Québec, où siègent les sous-ministres adjoints des ministères et organismes ayant un rôle à jouer en mesures d’urgence au Québec) en raison de sa faible probabilité et de son exagération. Et pourtant! Il s’agit (malheureusement) de la vraie vie. Et c’est chez nous que ça se passe! Jamais une telle action dans le cadre d’une activité politique et encore moins, lors d’un discours de victoire de campagne, ne s’était produit dans notre Belle Province. Hier, nous savions que madame Marois écrivait une page d’Histoire, mais personne n’aurait prédit que la conclusion se terminerait aussi mal.

Pendant que l’événement se déroulait sous nos yeux, une question me revenait constamment en tête «les divers Partis avaient-ils une planification d’urgence, voire de crise?» Parce qu’avec autant d’exposition publique et médiatique, ça prend un plan! Bien sur, ils planifient leurs communications, essentiellement, et ils anticipent même les questions des journalistes afin d’être prêt à répondre à tout type de question, en fonction des divers types de «scénarios politiques». Madame Marois avait donc un plan pour le discours de son Gouvernement minoritaire. Mais son équipe (et celle de autres Partis)  avait-elle un plan pour le scénario du pire, en terme de crise je veux dire? Au Québec, on se sent tellement à l’abri des crises et des attentats que ces éventualités ne nous traversent pas l’esprit…et si tel est le cas : rarement.

Postée devant Radio-Canada depuis le début de la soirée, je n’ai pas bougé d’un cran, surtout pas lors de la tournure des événements. Quand j’ai vu le lutrin et les micros laissés vides, j’ai vite compris qu’il se passait quelque chose de grave. En entendant Yves Desgagné mentionner «Tout est sous contrôle» C’était pire! En communication d’urgence et de crise, s’il y a une chose à ne pas dire, il était trop tard, la phrase était sortie de sa bouche. Et il enchaîna : «mais on vous demanderait de sortir, d’évacuer». Outre ses mots qui visaient à rassurer (dans une telle circonstance, les gens ne veulent pas et n’ont pas besoin d’être rassurés, ils veulent savoir ce qui se passe, ce que sont les faits), madame Marois fut impressionnante puisqu’avec beaucoup de bravoure, elle a tenue à terminer du mieux possible son discours. Et malgré tout le respect que j’ai pour Yves Desgagné, s’il y avait eu un plan d’urgence au PQ, voire un plan de gestion de crise, ce n’est pas lui qui aurait pris la parole dans cette circonstance et ce ne sont pas ces mots qui auraient été dits.

L’équipe de RC a fait un boulot de direct remarquable et c’est là que je me suis abreuvé pendant les deux heures qui ont suivies pour transmettre l’information sur Twitter. En France, la journée se levait tranquillement alors qu’ici, tout allait à un rythme effréné dans cette nuit assombrie.  Rapidement, des abonnés et amis Français retweetait l’information à leurs abonnés. L’amalgame des médias sociaux et des médias traditionnels ont encore une fois, prouvés leur très grande nécessité. Par ce que je suivais, seconde par seconde, j’étais en mesure de retransmette à des gens qui n’avaient pas accès au même niveau d’info que nous, tout ce qui se passait ici, comme s’ils y étaient.

N’en demeure pas moins, que trois innocentes personnes ont directement été victimes de ce geste (politique? L’enquête policière nous le dira!) dont, l’une y a perdue la vie. Quant la situation de crise n’en n’est pas une d’image et de réputation mais que des gens y sont blessées, tuées, d’autres en état de choc, les premières heures doivent servir à autre chose que de trouver des coupables. Ni de vouloir à tout prix savoir pourquoi et comment le suspect a réussi à entrer là où il ne devait pas. Ces questions sont totalement légitimes et des réponses devront être fournies mais pas à ce moment-ci. Nous étions à la fois dans la crise elle-même, qui se vivait en direct dans les médias (traditionnels et sociaux) et en même temps, des victimes situés en plein au cœur. Qui plus est, une crise fait toujours des victimes collatérales.

Tout allait très vite. Cependant, au Québec, comme on n’a pas l’habitude des crises (tant pour les journalistes que pour les acteurs de la crise), on a peine à savoir dans quel temps de la crise on se trouve, donc, l’objet de communication s’en trouve forcément perturbé. Cela dit, dans les circonstances, les porte-parole du SPVM ont (à mes yeux) une fois de plus fait un bon travail. Hâte de voir autour de quoi tourneront les multiples communications de demain et des jours suivants. Sur quoi focussera-t-on?

On parle d’un geste posé par un désaxé. Peut-être, mais sans vouloir porter de jugement, son motif semble évident. Et s’il s’agissait d’un acte politique? Cela voudrait dire que nous viendrons d’entrer dans une nouvelle ère. Sommes-nous prêt à ça au Québec? Donc, si le PQ n’avait pas, jusque là, de plan de gestion de crise, cela fera-t-il désormais partie de ses priorités? (au passage, cette question n’est nullement ironique).

Ce triste épisode de notre Histoire n’a certes pas fini de faire couler beaucoup d’encre…Vous souhaitez réagir à ce billet, ajouter des éléments? En attendant, toutes mes pensées vont à la famille de la personne décédée ainsi qu’aux autres victimes.

From → Gestion de crise

One Comment
  1. BLAY Ludovic permalink

    Pensées aux familles avant tout et aux groupes qui vont maintenant se sentir menacés parce que « les anglais se réveille et vont nous rendre la monnaie de notre pièce »…

    Pour compléter ce billet, je voudrais vous apporter un regard sur notre pratique en France. Ici, lors du second tour des élections présidentielles, chacun des deux candidats est suivi par une équipe de protection restreinte (une quinzaine de fonctionnaires de protection). Dès lors que le résultat tombe au ministère de l’intérieur, une équipe plus étoffée part rejoindre le nouveau président et prend en charge sa protection (environs 30 fonctionnaires de plus, avec un avion de la république, des téléphones sécurisés, une voiture blindée, une escorte de motards…) . L’intérêt est que les personnalités publiques sont prise en charge par un grand nombre de fonctionnaires qui sont des spécialistes de la protection des personnalités et qui sont équipés correctement… Heureusement jusqu’ici nous n’avons pas eut de soucis…

    Avec François HOLLANDE, la stratégie a changée. Il a fait campagne sur sa proximité avec le peuple et sur son aspect « normal ». Le problème est alors qu’il a refusé pendant longtemps une réelle protection rapprochée. Il a longtemps été suivit par 2 garde du corps… Il est maintenant entouré par une vraie équipe puisque c’est l’Etat qui prend en charge sa sécurité…

    Les évènements de cette nuit sont finalement des alertes pour que les partis et les autorités de l’Etat se préoccupe des plans de protection des personnalités et des plans de gestion de crise. L’Etat a un rôle majeur a joué dans ce domaine puisqu’il s’agit de protéger une autorité. Il devient maintenant nécessaire d’y penser, de se mobiliser et d’envisager que ce genre de comportement peut se reproduire ou bien que d’autre menace pourraient se réveiller…

    Félicitations aux agents qui ont mis à l’abri Mme la première ministre, félicitation au SPVM pour la rapidité d’intervention et la communication ciselée lors de l’évènement….

    Bon courage pour la suite et la gestion de cette crise qui pourrait bien s’étendre sur plusieurs jours…

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